Il parait que l'aventure c'est affronter l'inconnu.
Pour
moi ce premier voyage en kayak est donc bel et bien une aventure. Je n'ai
jamais navigué sur le Doubs. Je n'ai jamais passé de barrage en kayak.
Je n'ai jamais bivouaqué seul, et encore moins avec un kayak. Vous avouerez qu'il y a de quoi s'interroger.
Au
départ je devais descendre le Doubs en amont de Besançon avec mon père.
Mais après moult imprévus et changements météo, mon voyage s'est
transformé en une balade de deux jours en solitaire entre Besançon et
Dole.
Fort de mon année et demi d’expérience en kayak, je pars à la fois confiant et terrorisé.
- Le départ -
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Le pont d'Avane |
Il est déjà tard
quand j'embarque à Avane, à la sortie de Besançon. J'aurais adoré
commencer un peu en amont pour profiter de la vue sur les quais de cette
magnifique ville, mais malheureusement les barrages qui jalonnent le
Doubs à cet endroit sont trop compliqués à franchir avec un kayak chargé
comme le miens.
Mon père me dépose donc au pied du pont métallique. Je charge le kayak, j'enfile mon gilet, et je me lance sur la rivière. Le ciel est gris, mais la météo n'annonce pas de précipitations pour les deux jours qui viennent.
Après
quelques centaines de mètres je rencontre les premières renoncules
aquatiques. Ces jolis tapis de fleurs aquatiques m'enchanteront tout au
long de mon voyage.
Ces premières minutes à glisser
silencieusement sur le Doubs effacent instantanément mes doutes et mes
appréhensions sur ce voyage.
La rivière est-elle navigable sans danger
tout du long ? Y aura t'il assez d'eau ? Comment vais-je passer les
nombreux barrages sur lesquels je n'ai aucune information, sinon une
image floue dénichée sur Google Earth ? Y a t'il des restrictions
administratives qui m'auraient échappées ?...
Maintenant
que je suis lancé, je n'ai pas d'autre choix que de faire confiance à
mon bon sens et à la chance, pour que tout se passe bien.
- Mes compagnons de voyage -
Dès
les premiers kilomètres je rencontre les premiers oiseaux emblématiques
de mes navigations sur rivière. Les hérons, sentinelles des berges qui
s'envolent gracieusement à mon arrivée. Les splendides martins pêcheurs,
qui tracent un éclair bleu métallique dans l'air avant de disparaitre
dans les branchages. Les cormorans, aussi habilles en plongée que
maladroit à s'envoler. Les nombreux rapaces, les canard, les
bergeronnettes qui semblent danser sans cesse, les petits gravelots qui
arpentent les rives vaseuses d'un pas pressé à la recherche de quelques
vermisseaux enfouis. Je croiserai même une jolie aigrette blanche et un
trio de rapaces que j'identifie comme des circaèdes.
Les poissons sont plus discrets, mais
j'en verrai beaucoup. Tantôt des bancs de milliers de minuscules alevins
qui font frémir la surface de l'eau en s'enfuyant à mon approche, ou,
au contraire, qui viennent se mettre à l'abri sous mon kayak quand je
reste longtemps immobile. De nombreux gardons recherchent avidement à
manger quelques miettes de pain que je leur lance durant mes
casse-croute. Les goujons viennent fouiller à la recherche de quelques
nourritures dès que j'agite le fond de l'eau en marchand. Les petits
vairons s'agitent dans les remous des barrages dont je trouble l'eau
claire de mes pas. Je croiserai aussi des truites, qui filent rapidement
dans les eaux claires. Quelques carpes débonnaires fracassent la
surface de l'eau d'un coup de queue quand je les dérange dans leurs
siestes. Cependant je n'ai pas vu les grand maîtres carnassiers de la
rivière : le brochet et le gigantesque silure ne s'exposent pas
facilement aux regards des passants. Ils vivent tapis dans les herbiers
ou sur les fonds vaseux, à l'affut de toutes les proies qui pourraient
combler leur appétit.
|
Une demoiselle blessée |
Enfin, on ne peut pas terminer la
liste des rencontres sauvages sans citer les innombrables libellules et
demoiselles qui virevoltent au bord de l'eau. Toutes plus jolies les
unes que les autres, elles sont cependant très sauvages. Parfois l'une
d'elle s'approche pour se poser sur mon bateau, mais au dernier moment
elle se ravise et continue sa route. Les mouvements inhabituels du kayak
doivent leur mettre la puce à l'oreille. Je sauve cependant l'une
d'elle de la noyade et je la garde sur mon kayak d'où elle ne bougera
plus. Sans doute blessée, je la retrouverai morte le lendemain matin.
La
rivière est un formidable réservoir de vie, mais il faut savoir
l'aborder discrètement et patiemment pour qu'elle dévoile ses trésors.
- Premiers rapides -
J'arrive
vite sur les premiers rapides. Rien de monstrueux, mais quand même
largement de quoi me renverser. Mon manque d’expérience en eau vive, mon
bateau inhabituellement chargé, et ma solitude, me dictent une extrême
prudence pour les aborder. Là où je serais passé sans m'arrêter dans une
sortie entre amis, je prends le temps de débarquer pour repérer la
trajectoire la plus sûre. Le kayak étant très bas sur l'eau, je vois mal
à quoi ressemble la rivière quand la pente s'accentue. J'ai donc pris
l'habitude de me mettre debout sur la berge chaque fois qu'il faudra
choisir une trajectoire.
Finalement tout se passe bien, je passe les rapides sans encombre, et je continue ma route.
- Il y a deux rivières -
Le
canal rejoint alors la rivière où je navigue. Je quitte donc une
section "sauvage" et je navigue désormais sur une partie "navigable".
Tout mon parcours ne sera qu'une successions de ces deux types de
rivières. Parfois de grands boulevards bien propres et balisés, parfois,
quand les bateaux à moteur quittent le cours naturels pour emprunter
des canaux, la rivière devient tortueuse, riche en plantes aquatique, et
en hauts-fonds de graviers où pullulent les poissons.
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Le Doubs sauvage |
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C'est bien entendu les parties sauvages qui sont les plus belles.
- Le premier barrage ! -
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Premier barrage. Il y aura beaucoup d'autres. |
J'arrive
alors à mon premier barrage, à Montferrant le Château. Le canal quitte
la rivière par la gauche pour emprunter un tunnel, tandis que le Doubs
continue sa route tout droit pour faire le tour d'une colline boisée.
Un
appréhension me taraude. Vais-je pouvoir passer ? Si non, mon voyage
s’arrêtera là, seulement quelques kilomètres après avoir commencé !
Le
bruit de la chute d'eau s'amplifie à mon approche. Je ne distingue rien
d'autre qu'une rupture de la surface du Doubs. J'imagine un obstacle
impressionnant. J'approche à faible allure, en longeant la berge. J'ai
peur de me faire emporter par le courant dans un tourbillon mortel. Je
débarque prudemment à quelques mètres du barrage,... et je constate avec
le sourire que la terrible chute n'est qu'un mince filet d'eau qui
dévale une pente douce et moussue. Il n'y a pas d'autre danger que de se
tordre une cheville en glissant sur les pierres mouillées.
Je
fais glisser mon bateau le long de la rampe, en le retenant par un long
bout attaché à la poupe. Il glisse doucement entre les rochers, et je
le suis à pied. J'embarque à nouveau au pied du barrage, quand le niveau
d'eau me permet de naviguer.
Tout s'est bien passé, me voilà rassuré pour la suite, car de nombreux barrages similaires m'attendent.
La
zone qui suit les barrages est toujours magnifique.
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Après le barrage |
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Château de Thoraise |
On y trouve
généralement de nombreux ilots en graviers blancs, entre lesquels
serpentent des petits bras d'eau qui finissent par se rejoindre pour
reformer la grande rivière. Les petits poissons y trouvent refuges en
abondance. La végétation y est luxuriante, aussi bien sur les berges que
dans l'eau.
Je poursuis, puis je fais une pause photo à côté du château de Thoraise qui surplombe la rivière.
Je
décide de prendre mon déjeuner sur un îlot après un second barrage, en
face du château de Torpes. L'endroit est magnifique, et désert.
Après
avoir englouti un un Bolino et un morceau de pain, je m'accorde une
courte sieste allongé sur les graviers. Ces premières heures ont effacés
mes craintes sur ce voyage, je suis maintenant complètement serein.
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Face au château de Torpes |
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Pause déjeuner après le barrage de Torpes
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- La solitude -
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Seul au monde
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Je
n'ai croisé qu'un seul bateau de plaisance depuis mon départ. Et au
final je n'aurai pas vu grand monde. Trois ou quatre bateaux de
plaisances avec qui j'échange un rapide bonjour. Quelques cyclistes
voyageurs le long de la rivière, qui me saluent amicalement. Et parfois
un bonjour discret des rares pêcheurs.
Le calme et la solitude furent
mes compagnons durant ce voyage. A l'époque des réseaux sociaux
omniprésents et de la communications à outrance, cette déconnexion est
aussi inattendue que troublante. Je pensais arpenter une rivière
"habitée", mais je me retrouve loin de tout à seulement quelques
hectomètres des habitations et des routes. Sans une carte précise, je
traverse parfois des villages sans même savoir comment ils s'appellent.
J'ai perdu le réseau téléphonique pendant plusieurs kilomètres. Et même
le GPS de mon smartphone s'est mis en vacance, faute de pourvoir se
caler précisément sur les réseaux téléphoniques.
J'aime la solitude,
elle fait partie du plaisir que je ressens dans le kayak. Mais la
frustration est grande de ne pas pouvoir partager ces heures magiques
avec d'autres personnes. C'est pour ça que je m'applique à prendre des
photos et décrire le plus précisément possible mon voyage, pour mieux le
partager.
"Le bonheur n'est réel que quand il est partagé".
- Le canal : mauvais choix -
Après
Boussière j'aborde un barrage compliqué.
Contrairement aux autres, il
coupe la rivière perpendiculairement, ce qui réduit sa longueur et
augmente mathématiquement la force du courant. Il est bordé à gauche par
une usine, et à droite par l'entrée du canal. Je m'en approche sans
pouvoir débarquer, et je remarque qu'il a une pente raide et longue.
J'ai peur de risquer sa descente. Alors finalement je décide d'emprunter le canal.
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L'entrée du canal du Rhône au Rhin |
Mauvaise idée.
J'aime
l'ambiance du canal. Il est jalonné de murs, de ponts, et d'écluses
dont l'architecture austère me plonge au début du XIX ème siècle, quand
les marchandises parcouraient la région en péniches tractées par des
chevaux de traits (des chevaux comtois forcément !).
Le canal est
longé par une véloroute qu'empruntent de nombreux voyageurs. Je ne
croise cependant pas un seul bateau, et rapidement je me lasse de sa monotonie.
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Dans le canal |
A
un moment la carte m'indique que je suis juste à côté du Doubs sauvage.
Je débarque difficilement le long des berges abruptes en laissant mon
kayak amarré. Effectivement, le Doubs n'est pas loin. Une dizaine de
mètre à vol d'oiseaux... mais aussi une dizaine de mètres plus bas en
altitude ! Un mur impressionnant me sépare de la rivière. Sur la carte
c'était proche, mais en réalité il est impossible de sauter le pas. Je
suis condamné à poursuivre sur le canal.
J'arrive à une écluse,
fermée.
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Écluse fermée. On ne passe pas ! |
J'étais persuadé que toutes les écluses ont des rampes adaptés
au kayak, mais non, il s'agissait juste de quelques aménagement pour les
parcours labellisés "Eco-Canoé".
Ici je suis coincé sur le
canal, sans pouvoir avancer ni débarquer. Le chemin de halage est bien
trop haut pour que je puisse y hisser mon embarcation.
Il me faut
trouver une solution...
J'amarre alors mon bateau et je grimpe à une échelle
de service de l'écluse. Par chance j'aperçois un employé des VNF (Voies
Navigables de France) qui termine de faucher l'herbe des berges. Je lui
demande comment je pourrais passer. Il me répond avec un magnifique accent franc-comtois:
- "Ah mais là vous pouvez pas, l'écluse est interdite aux kayak ! Z'auriez dû prendre le Doubs."
- "Ben oui, mais j'ai pas osé passer le barrage"
-
(petit sourire du gars) "C'est vrai qu'il peut faire peur... Bon ben
revenez un peu en arrière, il y a un coin aménagé par des gamins pour
pêcher à 200m. On va débarquer votre kayak là, et puis je vous aiderez à
le remettre à l'eau plus loin... Mais vous z'avez pas fini d'être
embêté. Il vous reste encore plusieurs écluses à passer, et cette fois
je ne serai pas là pour vous aider.".
Nous débarquons donc mon bateau, nous dépassons l'écluse, et nous le remettons à l'eau 100 m plus loin.
Je
remercie chaleureusement le monsieur, et je repars.
La prochaine écluse
est dans plusieurs kilomètres, j'ai bien le temps de trouver une
solution d'ici là...
Effectivement, après de longues
minutes de navigation plus ou moins monotone, j'arrive dans une zone ou
les berges sont moins hautes. Je débarque et hisse péniblement mon kayak
sur le chemin de halage.
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Marre du canal. Je sors ! |
Le Doubs coule toujours juste à côté, mais il
n'y a plus qu'un talus boisé assez court qui m'en sépare. C'est décidé,
je vais le rejoindre !
Séquence défrichage : Je m'ouvre un
passage entre les orties et les ronces à grands coups de pagaie
(costaude la Select X.One !). L'endroit où j'ai choisi de passer est peu
boisé. Je glisse mon kayak sur la berge enherbée, puis je le bascule
tant bien que mal dans le talus en tentant de le retenir pour qu'il ne
glisse pas d'un coup. Ca frotte, ça coince, ça force un peu, je me
griffe aux ronces et je me pique aux orties, mais finalement le bateau
atterrit dans la rivière. Je suis enfin revenu sur le Doubs !!
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Kayak dans les bois... C'est compliqué ! |
J'ai embarqué juste après le barrage entre Osselle et Routelle. Je
remonte un peu le courant pour constater qu'il se passe bien à pied.
Cette petite escapade dans le canal m'a couté une belle partie de sauvage de la rivière.
Promis juré, plus jamais je ne l'emprunterai !
- Le bivouac -
Je continue ma descente du Doubs. Le canal finit par déboucher sur ma droite, bien plus loin d'où je l'ai quitté avec fracas.
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De retour sur le Doubs ! |
S'ensuit une interminable ligne droite monotone, où j'affronte un vent de face démoralisant.
Et
puis le vent se calme. La surface de l'eau devient un miroir qui noirci
avec la lumière du soir. Déjà le soleil se cache derrière les plus
hautes collines.
|
Le soir arrive |
Entre Roset-Fluant et Saint Vit J'avise
une petite
plateforme sur la rive boisée qui domine la rive gauche. Juste à côté de
ce replat, un affleurement rocheux forme une plage bien propre où je
peux débarquer. L'endroit est désert, loin de tout, dans les bois, avec
juste un petit chemin qui longe l'eau. La piste cyclable de la rive
opposée est très fréquentée, mais de ce côté-ci de la rivière je suis
sûr de ne pas être dérangé.
|
Le bivouac est prêt |
|
Réveil en douceur |
Je décide que c'est l'endroit idéal pour bivouaquer.
Je
hisse mon bateau sur la berge. Je dégage quelques branches mortes, puis
j'installe ma tente au bord de l'eau. Un brin de toilette dans la
rivière, un repas frugale, un coup de fil à ma famille, un petit point
carte pour demain... et je rejoins doucement les bras de Morphée à
l'heure où le soleil disparait.
Je suis réveillé vers 6h du matin
par les premiers cris d'oiseaux. Ce sont les corneilles qui ouvrent le
bal, et puis, petit à petit, chacun leur tour, d'autres oiseaux
répondent à l'appel. Pour finir c'est un concert de chants qui animent
la forêt. Juste sous ma tente j'entends parfois un poisson qui agite
l'eau en gobant les insectes matinaux. Le soleil n'est pas encore là,
mais déjà la rivière prend une couleur rosée en refllétant le ciel. Un
légère brume couvre la surface de l'eau lisse comme un miroir. Et puis
le soleil apparait enfin et enflamme le feuillage des arbres qui
m'entourent.
|
Le soleil se lève. |
Je farniente un peu au lit en profitant de cet instant
magique. La journée s'annonce superbe. Je partage un frugale petit
déjeuner avec les gardons qui se battent pour les miettes de mes
biscuits secs. Mais bientôt un groupe de perches arrive et chasse tous
ces poissons. J'ai oublié de prendre du café, alors je me contente d'un
verre d'eau.
Je range le bivouac dans mon bateau, et j'embarque pour une longue journée.
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Départ matinal, un peu avant Saint Vit |
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L'eau est un miroir |
- Départ en douceur -
Après
un faux départ à cause d'une énorme limace et d'une araignée des bois
qui jouent les passagers clandestins et que je dois débarquer, je pars
sur la rivière. Mon bateau glisse sans effort sur le miroir de l'eau
dans une lumière magnifique.
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Le barrage de Saint Vit |
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Après le barrage de St Vit |
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Après le barrage de St Vit |
J'arrive à hauteur de Saint
Vit. C'est un port de plaisance important, mais je n'en verrai rien car
je franchi un barrage avant de rentrer dans le village. La zone qui suit
le barrage est magnifique. Je navigue dans des canaux couverts de
renoncules et bordés de vieux saules aux troncs torturés.
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Barrage de Fraisans |
A
Fraisans j'arrive sur un immense barrage.Je le descend à pied, à côté
d'une passe à poisson. La manoeuvre est un peu plus périlleuse que
d'habitude, car par endroit le courant est assez fort. Mais finalement
tout se passe bien.
Plus loin sur la rive j'aperçois des voitures
immatriculées 39, j'imagine que je suis maintenant rentré dans le
département du Jura.
Les bords du Doubs sont souvent couverts
de grandes zones de nénuphars. Je crois n'en avoir jamais vu sur le
Rhône ou le Verdon (mes deux rivières de référence). C'est très amusant
de naviguer sur ces larges feuilles où viennent se cacher beaucoup de
poissons et d'amphibiens. Seulement ça n'est pas facile de planter sa
pagaie dans l'eau.
|
Pont à Saint Vit |
- Un petit goût sauvage -
A
Ranchot je passe le barrage sans encombres, puis je m'engage dans ce
qui sera la plus belle portion de rivière de ce voyage. Tout d'abord je
longe une zone peu profonde sur un fond de graviers, bordée de pâturage.
Les troupeaux de vaches ont formé des plages bien tondues où prospèrent
d'immenses saules qui forment des ombrages où les troupeaux se
prélassent en ruminant. Ensuite j'entre dans une zones de gravières où
la rivière semble chercher sa route. L'eau est limpide, la végétation du
bord est plus sauvage, et quelques truites filent à grande vitesse à
mon passage.
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Ravitaillement en produits frais |
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Naviguer dans les nénuphars |
- La punition -
Ce moment
de bonheur n'est malheureusement pas éternel. Après un passage de
barrage suivant je rejoins la partie navigable du Doubs. Et là c'est la
punition. Une ligne droite interminable s'ouvre devant moi. Un vent de
face soutenu. A droite : une haie opaque me bouche la vue. A gauche :
une départementale où les camions se suivent par dizaines.
J'ai
souvent connu ces moment quand je faisais du vélo. Dans ce cas il faut
juste débrancher le cerveau et pagayer en pensant à autre chose.
Finalement j'atteins Orchamps, et je retrouve le charme de la rivière.
- Premiers touristes -
Je laisse un premier barrage presque à sec sur ma gauche, et je vais descendre un peu plus loin sur un plus grand.
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Pause à Orchamps |
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Le barrage d'Orchamps |
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Arabesques écumeux |
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Un cloché Comtois, au loin. |
Mais avant cela je fais une pause déjeuner sur une plage de graviers.
J'avais
prévu juste ce qu'il faut de nourriture pour tenir deux jours, mais
j'ai été un peu avars avec l'eau : 4 litres d'eau pour deux jours, c'est
trop peu. Ma gourde est presque à sec.
Après le barrage
je rencontre mes premiers groupes de baigneurs. Quelques familles ont
investi les bords de la rivière. Des enfants s'amusent dans le courant
sous le regards inquiet des maman. Les papas taquinent le gardon un peu
plus loin. Des ados profitent du charme de l'endroit pour consulter leur
téléphone portable. J'entends crier "ho regarde maman, un canoë !".
Mais
déjà le courant me pousse loin de cette relative agitation. Je double
un jeune couple qui semble galérer dans un kayak gonflable. C'est le
seul kayak que je verrai durant ce périple.
- Le début de la fin -
Après
réflexion j'ai décidé de pousser jusqu'à Dole. La fatigue commence à se
faire sentir. J'ai de plus en plus soif. Mais le moral est encore bon,
je devrais y arriver sans problème.
A Moulin Rouge le canal rejoint
la rivière. J'avais repéré un barrage sur la gauche, mais il est
complètement à sec. Alors je décide d'aller voir le suivant. Il n'est
pas très pentu, mais il présente une marche d'environ un mètre de haut.
Une enième fois je fini par le passer sans encombre et je poursuis ma
route.
|
Barrage en aval de Moulin Rouge |
A l'approche de Rochefort sur Nenon plusieurs
bateaux de touristes sont amarrés en attendant je ne sais quoi. Les
marins d'eau douces se prélassent sur le pont ou invitent leurs voisins à
venir boire l'apéro. Ils me saluent poliment, mais j'ai le sentiment de
ne pas être du même monde qu'eux. Je n'arrive pas à comprendre le
plaisir de ne rien faire pendant des heures à l'arrière d'un bateau trop
petit. Ils ne doivent pas comprendre le plaisir que j'ai à me casser le
dos, les bras et les fesses pendant des heures sur un bateau trop
petit. Mais l'important est que nous nous respectons.
- Enfin l'arrivée ! -
Je
passe mon dernier barrage sous les yeux des marins d'eau douce, tandis
qu'un gros bateau sort de l'écluse voisine en klaxonnant comme un
paquebot qui débarque dans un port.
|
Dernier barrage ! |
Après le barrage je croise encore
des familles qui profitent des plages. Ici point de tourisme de masse
et de plages bondées. Ce sont juste quelques familles qui viennent
profiter de la rivière sans la dénaturer.
Je suis dans la
dernière portion sauvage avant Dole. Je rame depuis plus de 8h, je suis
déshydraté, et je commence à me tortiller pour trouver une position qui
soulagera mon dos et dégourdira mes jambes. Le passage de deux petits
rapides me distrait un peu et me redonne un brin d'élan.
Après
des heures de silence radio, je retrouve un peu de réseau téléphonique
pour appeler mon père et lui demander de venir me chercher à Dole.
J'arrive
dans les faubourg de la préfecture du Jura. Quelques maison
bourgeoises, un peu surannée, bordent le Doubs. Au loin j'aperçois le
clocher de la magnifique collégiale Notre Dame de Dole.
Je longe un
interminable barrage, mais celui-ci je ne le descendrai pas. Je prends
la direction du port qui est au centre de la ville.
Sur une petite plage publique, plus ou moins aménagée, de nombreux baigneurs me regardent passer.
|
Péniche le long du quai à Dole |
Je
longe quelques péniches délabrées où semblent vivre des baba-cools
sur le retour. Et puis tout devient propre, net, presque bourgeois.
J'arrive dans le port de plaisance. D'un côté des bateaux rutilants bien
rangés, de l'autre un quai où l'on peut louer des canot en bois
électriques pour 35€ de l'heure.
Je hisse péniblement mon
kayak sur le quai, face à la collégiale. Je me commande un Coca bien
frais à la pizzeria sur pilotis, et je me pose sur un banc en attendant
mon chauffeur.
Je repense à ce voyage. il n'a duré que deux jours, mais j'ai l'impression d'avoir quitté la civilisation pendant des semaines.
|
Dole. La collégiale Notre Dame |
Le
parking, la pizzeria, les cyclistes urbains qui passent devant moi avec
un casque sur les oreilles, les touristes qui inspectent mon bateau...
tout cela me semble tellement familier, mais tellement lointain de ce
que je viens de vire.
Promis, j'y retournerai.
Post scritum :
|
Renoncule aquatique |
La renoncule aquatique (Ranunculus
aquatilis) est une plante herbacée qui forme des tapis denses sous la
surface. Ses longues tiges forment d'interminable arabesques qui
oscillent au gré des courants lents de la rivière. Des milliers fleurs
émergent de l'eau et couvrent la surface d'un tapis blanc irréel.
Le
Doubs est diversement navigable en kayak depuis sa source à Mouthe,
jusqu'à se qu'il se jette dans la Saône à Verdun sur Doubs. Il est
d'abord une petite rivière tranquille jusqu'à la cascade du saut du
Doubs, il se transforme ensuite en un torrent parfois impétueux, tantôt suisse, tantôt français. Puis il
redevient calme.
Il est très aménagé pour la navigation de plaisance
dans son cour inférieur. Pour nous autres humbles kayakistes, rien n'est vraiment pratique. Excepté quelques débarquements/embarquements
"bricolés" aux abords de certaines écluses, il présente de nombreux
barrages et des sections de canaux qui ne sont malheureusement pas
prévus pour le kayak.
Durant mon périple le débit était d'environ 20
m3/s. J'ai passé -presque- tous les barrages à pied, mais j'ignore
jusqu'à quel débit cela est possible sans danger.
Mon matériel.
Mon expérience de l'itinérance est ridicule, mais j'ai cependant quelques matériels qui m'ont marqué par leur qualités.
-
Mon réchaud Camping-Gaz Rando 360. Je crois qu'il ne se fait
malheureusement plus, mais c'est un bijou de compacité et de simplicité.
Il tient avec sa charge de gaz, un pare-vent, un manche de casserole,
et un briquet, repliés dans la gamelle.
|
Camping Gaz Rando 360 |
- Mon matelas gonflable Therm-a-Rest.
Il
m'a couté un oeil, mais je ne le regrette pas. Il fait 6,5 cm
d'épaisseur, pour un volume ridicule quand il est dégonflé. Il assure un
bon confort, même sur des terrains rocailleux. Il est réputé solide et
durable. Seul bémol : il fait beaucoup de bruit quand on se tourne
dessus. C'est embêtant quand on dort à deux dans la même tente ;-)
- Mon kayak Perception Expression 14.
|
L'Expression 14. Chargé comme une mule, mais toujours vaillant |
Plus je l'utilise, plus il me plait ce kayak !
Pour
un prix modique (700€ d'occasion), j'ai acquis une petite merveille. Il
a déjà fait ses preuve en se montrant sécurisant sur une mer formée et sur
le Léman agité. Il affronte le vent avec une facilité déconcertante. Pas trop grand (14 pieds) ni trop lourd, il
reste très maniable dès qu'on relève la dérive, mais il glisse bien droit
et sans effort quand on décide d'avancer vite. Il n'est jamais fatigant,
toujours stable. Même chargé comme une mule, son caractère ne change
pas.
Vu la quantité de bord... que j'ai réussi à rentrer dans ses cales, j'ai maintenant la certitude qu'il est un bon compagnon pour
voyager loin.
C'est vrai que je rêve parfois de lui faire
des infidélités avec un magnifique bateau en fibre, racé et performant.
Mais j'ai bien peur qu'aucune de ces merveille ne résisterait aux
mauvais traitements que je fait subir à mon bout de plastique.
Son seul défaut ? La couleur blanche sur la proue à tendance à "cramer" les photos en plein soleil ;-)
Bref je l'aime mon Expression !
Pour
le reste j'ai navigué sans jupe, pour éviter la surchauffe, et je n'ai
eu aucune invasion d'eau dans l'îlot. Je ne portais pas de chaussures, pour laisser "respirer" mes pieds, sauf pour les
manoeuvre à pied où j'enfilais mes chaussons néoprène. J'ai un peu
souffert des talons sur la fin du périple. Je crois que je vais me bricoler une paire de mousse à glisser sous mes talons.
J'ai enlevé mon dosseret haut
il y a un moment, et je l'ai remplacé par un bricolage à base d'un vieux
baudrier d'escalade. Sur la fin du parcours, avec la fatigue de plus de
8h de pagayage, j'aurais apprécié un peu plus d'appuis lombaires.